Le 17 avril dernier, le gouvernement du Québec annonçait le lancement d’une période de consultation en vue de l’adoption d’un prochain plan de lutte à la pauvreté, le 4ème depuis l’entrée en vigueur de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale (2002).
Bien qu’il soit de rigueur de saluer la volonté du gouvernement de consulter la population et les acteurs de terrain qui s’engagent au quotidien dans la lutte à la pauvreté et à l’exclusion sociale, force est de constater que les moyens mis à disposition pour remplir cet objectif ne sont pas au rendez-vous. Il y a donc fort à parier que ces « consultations » seront peu opérationnelles, et encore moins représentatives des problématiques et enjeux que nous, acteurs du communautaire, rencontrons au quotidien.
Ces consultations sont prévues sur trois moments :
- une première période allant du 17 avril au 30 juin, pendant laquelle les organismes communautaires et les citoyen·ne·s du Québec sont appelé·e·s à s’exprimer en répondant à un sondage en ligne ou à des questionnaires
- une seconde période au mois de juin lors de laquelle le gouvernement organisera des « groupes de discussion » dans différentes régions.
- Enfin, une troisième période dont les dates restent à préciser (mais qui aura lieu à l’automne 2023) verra la ministre responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire Chantal Rouleau rencontrer sur invitation expresse des représentant·e·s de différents secteurs.
1- Des consultations bien trop courtes
La lutte à la pauvreté n’attend pas, mais travailler dans la précipitation est rarement gage de qualité. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de devoir prendre le temps d’écouter les personnes principalement concernées, et d’élaborer des politiques publiques qui prennent véritablement leurs recommandations en compte.
Dans les circonstances, il faut donc se demander pourquoi le gouvernement a choisi de cantonner la partie la plus large des consultations à une période de temps aussi courte (à peine 2 mois et demi). Des délais aussi serrés ne permettent pas au regroupement que nous sommes de consulter adéquatement ses membres et ainsi s’assurer de porter les revendications qui les représentent au mieux.
2- Une période de l’année peu propice
Indépendamment de la durée des consultations, celles-ci surgissent au moment précis de l’année où les acteurs du communautaire sont affairés à leur devoir de reddition de compte auprès des bailleurs de fonds et à la tenue de leurs assemblées générales annuelles, moment phare de leur vie associative.
Comment le gouvernement peut-il espérer que les organismes communautaires du Québec et la population qui les soutient seront en mesure de prendre le temps et les ressources nécessaires pour participer à ces consultations rapides annoncées à la dernière minute?
3- Des modes de consultation sous le signe de l’arbitraire
Dans le même temps, les moyens mis à disposition pour ces consultations donnent l’impression que le gouvernement québécois est plus intéressé à donner l’impression qu’il consulte qu’à réellement se tenir à l’écoute :
- Le sondage à l’intention des citoyen·ne·s ne fait que présenter des listes de 3 ou 4 actions consensuelles par secteur; les répondant·e·s doivent choisir celle qui est prioritaire à leurs yeux, puis décider si les autres sont importantes aussi. Disons-le tout net : en guise de consultation, le gouvernement nous demande de décider qui du lait, des œufs ou du pain doit arriver en premier sur sa liste d’épicerie; on voudrait infantiliser la population que l’on ne s’y prendrait pas mieux!
- Le mode de consultation à l’intention des organismes communautaires sont des questionnaires thématiques ouverts ou des mémoires; bien que la marge de manœuvre y soit plus importante et qu’on se rapproche donc d’un processus réellement consultatif, il y a fort à parier que la période courte pour y répondre en découragera plus d’un·e.
- Les seuls moments réellement consultatifs prévus en juin et septembre donnent une impression de carré VIP : sur invitation seulement, et à partir de critères ministériels non-communiqués dégageant une forte odeur d’arbitraire.
Une telle approche à la fois précipitée, dirigée d’en haut et sans grande marge de manœuvre ne peut aucunement être considérée comme une réelle consultation; le gouvernement caquiste choisit de sacrifier la démocratie et la représentativité sur l’autel de la soi-disant efficacité. Une telle approche met en danger l’action collective concertée qui nous anime, au profit d’une approche paternaliste peu compatible avec les valeurs et méthodes du milieu communautaire autonome.
Pour plus d’info: https://consultation.quebec.ca/processes/consultationpauvrete